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La croix d’Erèbe

 

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Récit d’une rencontre,

Tirée des mémoires d’un homme de foi.

 

 

Mon histoire débute en l’an de grâce 1666 dans les environs de la province de rancho Aldana, en Castille libre. Non pas qu’il ne se soit rien passé auparavant dans ma vie mais parce qu’un vieux serment, encore vivace dans ma mémoire, m’empêche de tout coucher sur un parchemin.

J’étais alors, jeune eisennor naïf et mal dégrossi, détaché à la protection d’un certain diplomate dont je tairais le nom par secret professionnel.

Pourquoi tant de mystères me direz vous ? Et bien tout simplement pour éviter de surcharger en détails inutiles un récit qui s’avouera par la suite amplement complexe je vous l’assure.

Je surveillais mon client, occupé à divertir ses hôtes par une histoire aussi saugrenue que cocasse quand la malchance ou le destin me dévia irrémédiablement d’une voie toute tracée qui aurait pu sembler trépidante a toute autre personne qu’à moi.

En effet, un nobliau de la région, croyant sans doute avoir affaire à quelque Eisenfurst en goguette (peut-on imaginer idée plus absurde vu l’état de leur royaumes respectifs ?!?!?), se mit en devoir de me faire la conversation dans sa langue natale aussi incompréhensible alors pour moi que peut l’être le langage des Laerdoms pour un habitant du royaume de Cathay.

Je tentais bien de lui faire comprendre avec mes pauvres moyens que point n’était besoin de se mettre en quatre pour ma personne mais le bougre « pris la mouche » et en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire me provoqua en duel.

Je n’avais pas la moindre envie de régler un différent aussi ridicule par les armes mais le petit « Don » était aussi têtu qu’une mule et nous nous retrouvâmes bientôt dans une partie tranquille des jardins, nos respirations s’élevant en minces volutes de buée sous un ciel nocturne bas et gris ou commençait à voleter quelques flocons de neige (de quoi me rappeler le pays, la boue en moins n’est ce pas ???).

Notre duel s’engagea après une ultime et vaine tentative  de ma part pour éviter le pire et bientôt l’air ne résonnait plus que du tintement des lames s’entrechoquant et du halètement de nos respirations respectives.

A ma grande surprise mon adversaire était tenace à défaut d’être talentueux et mes timides tentatives de désarmement se heurtèrent à une ferme poigne.

Notre altercation aurait pu s’achever assez rapidement par abandon du « Don », celui-ci commençant à montrer des signes évidents de fatigue, si la neige tombant de plus en plus serrée n’avait mis son « grain de sel » (si j’ose m’exprimer ainsi).

En effet, au cours d’un assaut frontal simultané de notre part le pied d’appui de mon adversaire dérapa sur la pelouse rendue glissante par le fin manteau immaculé et sa main directrice, dans une tentative désespérée de botte, entra dans l’arc de cercle de mon épée large…

Vous imaginerez sans peine je le pense les dégâts que peuvent faire de telles armes sur un poignet non protégé ; la lame, tranchant chair, tendons et os, libéra un puissant jet de sang qui macula de pourpre ma chemise de flanelle (ce qui devait arriver un nombre incalculable de fois par la suite) et notre blanc terrain de duel.

Le « señor » (dont je ne me souviens plus le nom) s’écroula comme une masse par-dessus la haie taillé dans le murmure horrifié de son témoin et interprète.

Ma décision fut vite prise . même s’il admettait que le motif du duel avait tout de la farce grotesque, mon employeur ne pourrait me soustraire à la vindicte de ses hôtes.

Il valait donc mieux pour moi filer à l’Avalonienne et oublier la seconde partie de ma solde m’attendant à Freiburg (résidence principale de mon client).

Je pris donc mes jambes à mon cou en me jurant intérieurement qu’à l’avenir j’étudierais avec plus d’attention les dialectes « autochtones ».

L’éclatant lendemain me trouva errant à cheval au hasard dans les rues de la bonne ville de San Cristobal, essayant de profiter quelque peu des avantages que me conférait ma bourse bien remplie pour tacher d’oublier une première expérience locale quelque peu calamiteuse quant un langage familier, quoique baragouiné avec un accent typiquement castillan, me fit dresser l’oreille et reprendre espoir…

 

- «  Holà Señor !!! Bienvenue dans la belle ville de San Cristobal!!! Vous qui venez de si loin sachez profiter de ses nombreux atours et de son immense richesse culturelle !!! Le théâtre royal donne une représentation à l’atrium universitaire, voilà une occasion unique d’apprécier à sa juste valeur la magnificence de ce pays !!! De plus il ne vous en coûtera que la modique somme de 1 guilders !!! »

 

Je pris avec un temps d’hésitation la feuille imprimée tendue par le crieur qui continuait à haranguer les badauds sans une seule pause dans son débit de parole, changeant de langue à mesure que se profilait des étrangers sur la place principale.

Après tout pourquoi pas ??? Je n’avais pas décelé d’activité croissante notable de la milice locale (  cela voulait peut être dire que mon duel était passé « au pertes et profits » mais je n’avais aucune envie de vérifier) et je pouvais dorénavant flâner quelque peut avant de me mettre à la recherche d’un nouvel employeur.

Autant comme le disait le crieur profiter de la culture castillianne, reconnue pour sa diversité et sa  qualité dans tout Théa.

Je trouvais tant bien que mal le quartier universitaire et suivait les groupes de plus en plus compacts de badauds jusqu’à l’entrée de l’atrium.

Gens du peuple, roturiers, petits ou grands nobles, tous arboraient leurs plus beaux  atours comme si le simple fait d’aller au théâtre était déjà en soit une fête qu’il n’aurait manqué pour rien au monde.

Les parures de grands prix jouxtaient les costumes au couleurs chaudes et vives ré haussés de fine dentelle et il me semblait assister là à un défilé des plus belles gens qui m’enchanta.

Après avoir fait quelque peut la queue et payé mon écot j’accédais à l’établissement et était dirigé vers les premières estrades, en compagnie des gens du peuple tandis que des chasseurs en livrée se chargeaient de placer les personnalités les plus importantes dans des loges surélevées.

Au bout de quelques minutes d’attente au cour duquel je put observer à loisir la bonne humeur et la joie si communicative de ce peuple passionné et chaleureux les rideaux s’ouvrirent et la magie du spectacle me fit oublier pour l’espace d’une demi-heure mes problèmes si terre à terre.

Je me délectait des chants, riait aux éclats aux multiples facéties des comédiens et fut quasiment ensorcelé par la fougue et la grâce des danseurs de ce beau pays.

L’entracte vit mon humeur s’assombrir au fur et à mesure que mes angoisses concernant mon avenir reprenaient le dessus quand soudain, parmi la foule éparpillée en petits groupes disparates mon œil fut attiré par un bien étrange manège.

Une jeune damoiselle d’une vingtaine d’année, habillée à la mode du peuple, s’efforçait le plus discrètement possible de fausser compagnie à plusieurs groupes d’individus habillés de sombre qu’il ne me fut pas difficile de ranger dans la catégorie ho combien honnie des brutes et autres coupes jarrets de bas-étage.

La pauvre enfant jetait de fréquents regards désespérés vers les quelques gardes disséminés dans la salle mais pour une raison que j’ignorais alors ne les héla ni ne cria à l’aide.

Elle passa non loin de moi et l’espace d’un instant nos regards se croisèrent et je pu y lire toute la détresse de la biche aux abois.

Aussi, après quelques longues secondes de réflexion qui me virent passer les divers groupes de ruffians, j’abandonnais les comédiens et les danseurs à leurs planches et me lançait à leur suite…

Pour atterrir, via une petite porte de flanc, dans une ruelle de traverse étroite et crasseuse, encombrée de cageots et autres barils usagés.

Les malotrus, manœuvrant rapidement,  avaient coupé toute retraite à la jeune dame qui s’escrimait en vitupérant sur une autre porte cochère, comme si ses admonestations avaient le pouvoir e lui ouvrir une voie de salut.

Aussi accélérait-je le pas, faisant tinter bien involontairement mes éperons sur les pavés glissants de neige fondue.

Ce qui ne manqua pas d’alerter instantanément les misérables qui comme un seul homme dégainèrent des rapières et s’organisèrent en deux groupes afin de s’occuper de ma personne et de régler son compte à leur infortunée « cliente ».

Profitant de leur incapacité à tous me nuire au vu de l’étroitesse des lieux, je réduisais la distance me séparant d’eux et dans un cri à Théus pour me donner confiance et courage, me lançait dans la mêlée

Épée au clair…

…Sans m’apercevoir que deux autres individus, débouchant de l’opposé de la ruelle, se jetaient au secours de l’infortunée.

Je perdis quelque peut le fil du temps, ma jeune conscience oblitérée par la fureur du combat, pour enfin rejoindre la réalité et constater le sordide résultat de l’escarmouche :

Les six coquins gisaient inanimés ou morts, gisants tels des pantins désarticulés sur le pavé que la neige recommençait à recouvrir.

Essuyant ma lame dégoûtante de liquide vermeil dans la cape de l’un d’entre eux, j’en profitais pour détailler plus avant mes inespérés « renforts » :

Tous deux était plutôt de taille moyenne voire petite, d’une corpulence qui dénote la pratique des armes bien qu’ils soient également fins et élancés. Ils avaient aussi pour point commun le port d’une fine moustache et d’un bouc, pratique très à la mode en ces temps. Là s’arrêtait la différence…l’un portait des habits fatigués de voyages de couleur gris-bruns, de hautes bottes de cuir souple ainsi qu’un chapeau à la mode montaginoise paré de plumes ; semblant parler couramment le castillan il s’efforçait apparemment de la rassurer quant à nos intentions (au vu de son ton amical) notre damoiselle, recroquevillée sous le porche.

Pendant ce temps le deuxième larron, plus mat de peau et plus aquilin de traits, regardait d’un air navré les restes d’une bouteille de vin qui avait du manifestement servir à assommer le dernier des brigands. Il était habillé de cuir noir, très près du corps, le tout ne faisant que ressortir son allure de chat sauvage qui devait lui valoir les attentions de bien des dames.

Sur ce le premier étranger, après avoir apparemment convaincu la « señorita » que nous étions des gentilshommes, se retourna et d’un ton qui se voulait amical me dit :

 

-         «  Le bonjour à vous messire !!! Permettez moi, au nom de la señorita De la Cruz, de mon opportun compagnon d’échauffourée et de moi-même de vous remercier de votre aide fort utile pour mettre à mal ces bandits. Mais je manque à tous mes devoirs !!! Je m’appelle Larieux, Martin Larieux de mon petit prénom et c’est un plaisir de vous rencontrer en ces lieux.

 

Et finissant avec élégance et panache une petite révérence il me tendit une main gantée de cuir, se fendant d’un sourire chaleureux comme le soleil…

 

 

Siegfried R. R. de Wische.